Comment trouver votre niche et la rendre rentable
Essayer de plaire à tout le monde, c’est ne plaire à personne.
Cette affirmation, d’apparence banale, constitue l’un des fondements les plus solides du marketing stratégique digital, car elle rappelle que toute marque, tout créateur, toute entreprise et même toute technologie finit par perdre sa force dès qu’elle cherche à vouloir séduire un public trop large.
Nos prospects et nos clients sont saturés d’informations, de stimulations, d’offres et désormais de contenus générés par l’intelligence artificielle. La seule manière d’exister pour une entreprise est de savoir exactement pour qui l’on veut compter. C’est pour cela que l’un des leitmotiv les plus puissants du marketing contemporain consiste à se positionner précisément, profondément, presque chirurgicalement sur une niche.
Il faut trouver une niche, entend-on partout. En réalité, il ne faut pas trouver une niche, mais trouver SA niche, celle dans laquelle vos compétences, votre proposition de valeur et l’usage que votre audience fait de votre offre créent une véritable affinité stratégique.
Mais cette idée, pourtant très séduisante lorsqu’elle est présentée dans un livre, une formation ou une vidéo, pose immédiatement une multitude de questions.
- De quoi parle-t-on vraiment lorsque l’on parle de niche ?
- S’agit-il d’une petite portion d’un marché plus vaste, ou d’un micro-segment quasi invisible qu’un algorithme serait capable d’isoler ?
- Et surtout, se positionner sur une niche ne revient-il pas à réduire drastiquement le nombre de clients potentiels, donc son volume d’affaires, donc mécaniquement ses chances de croissance ?
Ces doutes reviennent constamment, notamment chez les créateurs d’entreprise, les dirigeants de PME et les indépendants qui ont l’impression qu’élargir leur cible est une manière d’élargir leurs opportunités. Il est temps de clarifier tout cela, sereinement, méthodiquement, et en tenant compte de l’évolution des marchés, de la donnée et de l’IA.
Le terme niche est surtout utilisé aux États-Unis, alors qu’en France on parle généralement de segment de marché. L’origine du mot, pourtant, ne vient ni du marketing ni de l’économie, mais de la zoologie. La niche désignait à l’origine le lieu où vivaient certaines espèces de poissons, souvent au sein de récifs coralliens, dans un environnement dont les conditions précises leur permettaient de trouver nourriture, abri et partenaires de reproduction. La niche était l’environnement dans lequel une espèce prospérait en raison de la compatibilité parfaite entre ses caractéristiques et son milieu.
Par extension, en marketing stratégique, la niche désigne un segment homogène, c’est-à-dire une portion du marché regroupant des individus dont les comportements sont similaires face à un type d’offre. Dans une niche, les consommateurs ne se ressemblent pas sur tous les aspects de leur vie, mais uniquement sur leur rapport à une offre particulière. Une niche ne capture donc pas des individus identiques, mais des individus unis par une même façon d’aborder un objet, un service, une solution ou un usage.
La niche des fan de Lego contient des gens de touts revenus, toutes sociologie, tous revenus. Ils sont différents sur tous les points, sauf 1: ils aiment faire des Legos. C'est le comportement qui compte, c'est le comportement qui les uni, le comportement EST le pattern.
Cette logique est fondamentale, car elle permet de comprendre pourquoi l’IA moderne, notamment les IA permettant les analyse de contenus (ou de clustering), redonne une pertinence spectaculaire au concept de niche en identifiant des micro-comportements que l’œil humain ne repère pas toujours.
Prenons un exemple volontairement simple. Imaginez la niche des consommateurs de pizzas pepperoni-ananas. Tous ces consommateurs se ressemblent par leur appétence spécifique pour ce produit. Ils l’aiment, parfois passionnément. Mais pour le reste, ils n’ont rien en commun. Ils n’ont pas les mêmes métiers, ils vivent dans des régions différentes, leurs familles, leurs loisirs, leurs goûts culturels divergent largement. Ce sont des personnes extrêmement différentes qui partagent une seule et unique caractéristique pertinente : leur amour de la pizza pepperoni-ananas. Ce point commun suffit à constituer une niche.
Cette logique entre parfois en conflit avec une croyance bien ancrée en entrepreneuriat : si je cible une niche, je réduis mon nombre de clients potentiels, donc ma capacité de croissance. Or il faut comprendre une chose essentielle : la niche n’a rien à voir avec la taille d’un marché. Une niche peut être minuscule, comme celle des spectateurs ayant réellement apprécié le film Cineman de Yann Moix, ou immense, comme celle des consommateurs qui aiment que leur pizza contienne du fromage dans la croûte. La niche ne se définit jamais par sa taille, mais par la cohérence comportementale de ceux qui la composent. Ce qui fonde une niche, c’est la présence d’un comportement homogène, observable, mesurable, souvent répétitif.
À l’heure actuelle, les outils d’analyse s’appuyant sur l’intelligence artificielle accélèrent considérablement la capacité à identifier ces comportements homogènes. Là où autrefois on se contentait de l’intuition ou de quelques questionnaires, on peut désormais analyser des milliers d’interactions, repérer des schémas, distinguer des patterns sur la base d'unités de sens et isoler des groupes d’individus qui réagissent de manière similaire à un stimulus. L’IA rend donc les niches plus visibles, plus précises, plus dynamiques. Elle montre que la niche n’est pas une réduction du monde, mais une mise au point, un réglage qui permet d’orienter harmonieusement une offre vers des personnes dont les besoins convergent.
Trouver sa niche devient alors un enjeu décisif. C’est clarifier son propos, simplifier son discours, réduire tout ce qui est accessoire pour ne garder que l’essentiel. Trouver sa niche, c’est identifier un problème réel, ressenti, partagé par une population reconnaissable, et y répondre de manière cohérente, fiable, différenciée. Lorsque vous y parvenez, et que vous servez cette niche mieux que vos concurrents, vous créez un avantage stratégique. Non pas un avantage générique, mais un avantage profondément ancré dans la compréhension des comportements, des motivations et des usages. C’est encore plus vrai aujourd’hui, car les consommateurs comparent tout, évaluent tout, notent tout, et utilisent eux-mêmes des outils d’IA pour choisir plus vite et mieux.
Comment déterminer votre niche ?
Plusieurs voies existent : par l’offre, par la demande, par les tendances, par intuition ou par analyse. Mais la méthode la plus robuste, la plus durable et la plus compatible avec l’ère de la donnée consiste à la construire à partir des comportements observables de votre audience. Votre niche apparaît lorsque vous êtes capable de dire précisément quelle compétence vous maîtrisez et pour qui cette compétence a une valeur maximale.
Prenons un exemple simple, celui de chaussures de sport. Vous fabriquez des chaussures. Vous savez faire, vous avez la compétence. Mais quel type de chaussures allez-vous produire ? Le marché des chaussures de sport est immense. Les usages sont radicalement différents. Des chaussures pour le football, le handball, le tennis, la salle, la rue, le style. Or les chaussures utilisées en salle n’ont aucune raison d’avoir les mêmes caractéristiques que celles utilisées sur herbe ou sur terrain synthétique. Le comportement des utilisateurs n’est pas le même, les gestes diffèrent, les besoins diffèrent, les risques diffèrent.
Vous commencez donc à réduire. Disons que vous vous concentrez sur le sport en salle. Mais même à l’intérieur du sport en salle, les besoins ne sont pas identiques. Les volleyeurs et les basketteurs n’ont pas les mêmes appuis, pas les mêmes mouvements, pas les mêmes contraintes musculaires. Les renforts nécessaires ne sont pas placés aux mêmes endroits, les semelles ne répondent pas aux mêmes contraintes d’impact. Le comportement sportif devient ici un critère de segmentation extrêmement efficace. À cette étape, une IA d’analyse vidéo ou de reconnaissance de mouvement pourrait même identifier des micro-gestes récurrents permettant de concevoir une chaussure encore plus adaptée.
La niche se construit ainsi, en partant de votre compétence et en examinant avec précision auprès de qui cette compétence apporte la valeur la plus forte. Dans cet exemple : sportifs, puis sportifs en salle, puis basketteurs, puis basketteurs professionnels. Vous avez alors une niche claire, identifiable, actionnable.
Le même raisonnement s’applique aux restaurateurs. Vous êtes restaurateur. Vous êtes spécialiste de cuisine italienne. Vous savez cuisiner mille choses. Mais quel restaurant allez-vous ouvrir ? Vous devez clarifier votre offre en fonction d’une audience précise. Que veulent manger les gens que vous ciblez ? Quelle expérience recherchent-ils ? Comment choisissent-ils un restaurant ? Comment arbitrent-ils entre une trattoria familiale, un concept moderne, une table gastronomique ou une pizzeria traditionnelle ? Ici encore, les comportements sont la clé, et l’IA peut analyser les avis clients, les historiques de réservation ou les commentaires Google pour faire émerger des préférences très fines. Vous aboutissez alors, par exemple, à un restaurant familial, proposant une cuisine italienne de tradition, centrée sur les pâtes et les pizzas authentiques, sans pepperoni-ananas bien entendu, mais avec une identité forte, cohérente, compréhensible immédiatement.
Ainsi naît une niche : à la rencontre d’une compétence, d’un comportement collectif et d’une proposition de valeur parfaitement alignée. Aujourd'hui, l’IA accélère l’analyse des usages et renforce la capacité à comprendre les attentes. La niche n’est donc plus une réduction, mais un amplificateur stratégique. C’est ce qui permet non pas de parler à moins de personnes, mais de parler mieux aux personnes qui comptent vraiment: vos clients.